Pourquoi je refuse des projets de traduction ?

Non classé | Juin 04 | 2021 | 6 Comments

 

Cette semaine a été relativement calme et aujourd’hui, j’ai un petit creux dans mon emploi du temps. Pourtant, si j’avais voulu, ma matinée aurait pu être pleine à craquer ! Mais, comment ça ?

Au bout de quelques années d’expérience, j’ai appris (non sans mal) à refuser des projets, et ce pour différentes raisons.

Des projets qui n’entrent pas du tout dans mes cordes

Grâce à une mauvaise expérience au cours de mon premier mois d’activité, je suis désormais particulièrement vigilante avant d’accepter un projet.

Alors que je suis fraîchement installée, une agence de traduction me propose un projet pour traduire (plus précisément post-éditer) les annonces d’une grande entreprise de commerce en ligne. Il s’agit d’un projet de plusieurs dizaines de milliers de mots impliquant de nombreux traducteurs. Ayant précisé mes spécialisations en début de collaboration, je m’attends à recevoir des annonces de la catégorie correspondante. Quelle ne fut pas ma surprise quand j’ai reçu des dizaines d’annonces sur… des composants électriques ! Ne voulant pas faire faux bond à l’agence alors qu’elle me confiait l’un de mes tout premiers projets, je me suis lancée. Toutefois, une fois le premier lot livré, j’ai indiqué que je ne souhaitais plus travailler sur ce projet et en ai exposé les raisons.

En toute honnêteté, ce projet m’a généré un stress considérable à m’en rendre malade. Je me suis toutefois efforcée d’en tirer une expérience positive puisque désormais, je n’accepte que très rarement des projets sans avoir pu consulter de façon sure le document source.

Des projets qui n’entrent pas vraiment dans mes cordes

Ces projets sont un peu plus délicats à décliner, un refus pouvant être source d’interrogation pour le client.

Je m’explique. Je suis, entre autres, spécialisée dans le domaine de la médecine. Vaste domaine ! Dentisterie, ophtalmologie, gynécologie, etc. Il va de soi qu’aucun traducteur médical ne peut maîtriser l’ensemble de ces sous-domaines.

Problème : les agences de traduction rassemblent bien souvent tous les textes médicaux dans une seule et unique catégorie intitulée « MÉDICAL ». Lorsqu’un projet médical tombe, le Chef de projet filtre dans la base afin de faire ressortir tous les traducteurs avec la spécialisation « MÉDICAL ». On peut ainsi aussi bien me proposer des notices d’appareils médicaux divers et variés que des brochures patients/médecins, des études cliniques ou encore des notices de médicaments. N’étant pas experte dans tous les domaines, je dois « faire le tri ».

Je justifie systématiquement mon refus et j’estime que c’est rassurant pour le client de constater que j’ai l’honnêteté d’admettre ne pas être compétente en la matière. Ainsi, il sait parfaitement que lorsque j’accepte un projet, c’est que je maîtrise !

La peur de manquer de temps

C’est ma principale crainte : accepter un trop grand nombre de projets et ne pas avoir le temps de tout livrer à l’heure, sans compromettre la qualité. Encore aujourd’hui, je refuse, à mon sens, trop de projets pour cette raison. La peur du bug informatique, la peur de tomber malade et de devoir faire une croix sur un jour de travail, la peur de devoir passer plus de temps que prévu sur un projet, la peur de devoir faire une nuit blanche, etc.

Étant Chef de projet traduction, je sais parfaitement qu’un retard de livraison et/ou une traduction de mauvaise qualité peuvent être des arguments (valables) pour être blacklisté par un Chef de projet et/ou une agence. Je préfère donc prendre des précautions. Mieux vaut prévenir que guérir…

Pourtant, en 5 ans d’activité, je constate que je n’ai jamais livré en retard, bien au contraire, je livre même 95 % du temps bien en avance. Encore un point sur lequel je dois travailler !

Une inadéquation tarifaire

Voici une étape à laquelle les traducteurs sont (trop ?) régulièrement confrontés : la négociation tarifaire.

Il y a quelque temps, un client direct m’a proposé un projet de traduction particulièrement volumineux et sur le long terme. Nous nous étions entendus sur les tarifs en amont (qu’il souhaitait « compétitifs au regard du volume », ce à quoi j’ai répondu que je conservais mon tarif habituel) et j’ai travaillé sur un premier dossier.  

Je n’ai pas reçu de retour qualité particulier (« Pas de nouvelles, bonnes nouvelles » semble être la devise du métier) et m’attendais à recevoir d’autres fichiers à traduire. Néanmoins, il est revenu vers moi afin de me faire part de contraintes budgétaires relatives à ce projet et m’a demandé si je consentais à baisser mon tarif à 0,XX €.

Je suis convaincue que, cinq ans en arrière, j’aurais accepté sans discussion. Aujourd’hui, j’ai pris conscience de la valeur de mon travail. Et même si ce projet m’aurait permis de recevoir un flux de projets réguliers sur plusieurs mois (ce qui est rassurant lorsque l’on est à son compte), j’ai décidé de décliner. C’est une décision difficile, mais assumée, que j’aurais pu regretter et que je regretterai peut-être. Mais finalement, je passerai le temps que j’aurais dû consacrer à ce projet à rechercher d’autres clients dont le budget est en phase avec mon offre de services.

 

Si vous êtes traducteur freelance, il est primordial de vous fixer des limites et de ne pas être à la merci de tout et n’importe quoi.

J’échangeais récemment avec une toute jeune traductrice (Elise, si tu passes par-là 😉) qui avait reçu une proposition de mission de gestion de projet de la part d’une agence de traduction. Sachant que j’effectue ce type de mission, elle a voulu avoir mon avis sur le tarif proposé. J’ai été parfaitement transparente avec elle et lui ai indiqué que le tarif était à la limite de l’indécence. Cette traductrice est installée depuis peu et il peut être tentant de « tout » accepter pour s’assurer du travail. Finalement, elle m’a appris avoir décliné l’offre et a fini par me confier : « J’ai encore du mal à évaluer la valeur de mon travail, mais petit à petit, je vais finir par y arriver ! ». Devinez quoi ? Quelques semaines plus tard, j’apprends que son planning est complet ! Un de perdu, dix de retrouvés !

 

Et vous, vous arrive-t-il de refuser des projets ? Régulièrement ? Pour quelle(s) raison(s) ? Racontez-moi tout !

Comments (6)

  1. Oui, il m’arrive très souvent de refuser des projets. Souvent par manque de temps, j’avoue. Parfois car le domaine ne relève pas de mes compétences.
    Aussi, je refuse parfois des projets qui ne me passionnent guère… c’est l’un des avantages de notre métier : la liberté de choisir ou de refuser les tâches qui nous sont proposées.

    Là où j’ai un peu de mal même après dix ans de service, c’est de prendre des vacances sans culpabiliser un chouilla. Il y a toujours du travail, et moralement c’est compliqué de « s’asseoir » sur des billets.

    Bon week-end 🙂

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    1. Tu mets le doigt sur quelque chose d’important : quand on a la possibilité de choisir ses projets, pourquoi s’en priver ? Je reconnais avoir déjà refusé des projets à des agences pour cette raison, et parfois plusieurs fois d’affilée, mais j’évite de me prendre au jeu, car je sais que trop de refus = tomber aux oubliettes !

      Bon week-end à toi aussi !

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  2. Je refuse des projets pour les mêmes raisons que toi. Quand le projet n’est pas dans mes cordes, j’explique toujours au client pourquoi. Pour les tarifs, j’essaie de moins accepter des missions mal rémunérées, en indiquant mes tarifs habituels aux clients qui me contactent.

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    1. C’est très tentant d’accepter des projets moins bien payés, surtout quand on commence. Après, il n’y a pas « que » le tarif au mot à prendre en compte pour évaluer la rentabilité d’un projet. Un projet de 1 000 mots d’apparence moins bien payé, mais avec beaucoup de retombées de la mémoire, peut être tout aussi rémunérateur qu’un projet de 1 000 mots sans TAO, par exemple. Tous les critères sont à prendre en compte !

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  3. Hello Harmonie ! J’ai déjà commenté sous ton post LinkedIn mais maintenant que j’ai ENFIN pris le temps de lire ton article, je dois dire que je suis on ne peut plus d’accord avec toi… dans la théorie. En effet, j’ai un peu de mal à pratiquer ce que je prêche et malheureusement, j’ai soit trop de travail, soit du travail qui demande trop de recherches parce que je ne suis pas spécialisée… mélangez le tout et voilà ! Un beau cercle vicieux qui rend la prospection de nouveaux clients plus intéressants très difficile par manque de temps et d’énergie. Du coup, depuis un an à peu près, je refuse des projets parce que je consacre des blocs de temps importants à trouver des clients dans ma spécialisation clé. Au début, c’est bizarre mais on prend le pli et on arrête de se sentir coupable ! Je ne parlerai même pas des vacances ! Je suis exactement comme Maéva, mes clients principaux étant des agences de traduction, c’est la croix et la bannière pour moi d’arrêter de me sentir/croire indispensable et prendre des congés reste encore une torture (mais je me soigne).

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    1. Hello Laurie !

      Merci pour ton retour sur expérience. Je me vois un peu quelques (courtes) années en arrière, mais suis désormais soignée, alors il n’y a pas de raison que tu n’y arrives pas 😉

      Je dirais que les clients « agences » sont les plus simples à délaisser pendant les congés : ils ont généralement plein d’autres traducteurs pour te « remplacer » et, si la collaboration se passe bien, elles ne t’oublient pas en 15 jours 😉 Cela dit, j’ai aussi appris à discipliner mes clients directs : j’ai pris l’habitude de les prévenir 15 jours avant de partir, puis une nouvelle fois une semaine avant. Ainsi, je ne les mets pas au pied du mur et ils ont le temps de m’envoyer des choses avant ou après mes congés. Et puis, après tout, les clients, eux, ne nous préviennent pas forcément quand ils partent 😉

      Concernant la charge de travail/prospection, c’est un choix difficile à faire : refuser du travail pour passer du temps à prospecter (temps qui donne l’impression de ne rien rapporter financièrement parlant…). Mais c’est un retour sur investissement sur la durée, tu verras !

      Au plaisir,

      Harmonie

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